A propos de l’éthique de conviction et de responsabilité. Écologistes, nous disons non aux expulsions !

Mai 19, 2024 | A La Une, Prise de Positions

Vendredi 3 mai 2024, 170 personnes sans-abri qui avaient trouvé refuge dans le gymnase Dargent (8e arrondissement de Lyon), dont une majorité de femmes et d’enfants, ont été expulsées par une soixantaine de policiers. Cela fait suite à la décision du maire Grégory Doucet (EELV) et de son adjointe aux solidarités Sandrine Runel (PS) de donner raison à des associations qui s’étaient plaintes de ces occupations. La mairie de Lyon a justifié sa décision dans un communiqué de presse publié le samedi 4 mai, qui indiquait qu’on ne peut pas « accepter que des bâtiments publics soient utilisés sans autorisation au détriment des usagers ».

Jeudi 16 mai, le squat « Casse-Dalle », dans le 3e arrondissement de Lyon, a également été expulsé par les forces de l’ordre. Le bâtiment, propriété de la Métropole de Lyon présidée par Bruno Bernard (EELV), abritait une cinquantaine de personnes. La Métropole a refusé de prévenir à l’avance du jour exact de l’expulsion du squat. La police aux frontières aurait interpellé sept personnes lors de cette expulsion. Une expulsion facilitée par la loi Kasbarian – pourtant dénoncée par notre parti et nos parlementaires – et justifiée par Benjamin Badouard, conseiller métropolitain et membre du bureau exécutif d’EELV, qui a rappelé que la Métropole de Lyon “avait indiqué depuis septembre aux habitants que le site serait évacué après la trêve hivernale pour permettre la construction de logements sociaux”.

Ces actes politiques répressifs, en plus d’être scandaleux et honteux, sont une faute politique pour une majorité qui se revendique de gauche et en particulier de l’écologie politique. Comment une telle majorité peut-elle user de méthodes répressives alors que nous devrions proposer des solutions humanitaires dignes ? Une majorité écologiste de gauche ne peut pas tolérer qu’une dizaine de bébés et plusieurs femmes enceintes ne se retrouvent à vivre dans la rue ; dans un environnement hostile, sous la pluie, le froid ou la chaleur suffocante, et des conditions d’hygiènes inacceptables et cela même si les bâtiments publics doivent accueillir des usagers. Nous, écologistes, dénonçons avec force cette décision qui va à l’encontre de notre conception de la manière de faire de la politique mais aussi de nos aspirations à une société solidaire.

Les crises de différentes natures, économique, sociale et écologique qui se succèdent et se superposent dans nos villes et nos pays ainsi que les défis de la vie politique ici, en France, placent les citoyen·nes face à des situations complexes et des dilemmes éthiques. Il s’agit alors de s’interroger sur notre responsabilité collective et individuelle et, par conséquent, de choisir entre deux types essentiels de prises de position ainsi que de construction de solutions :

Soit l’impuissance, c’est-à-dire la reproduction et l’approfondissement de solutions brutales qui traitent l’inégalité par la répression et la criminalisation de la pauvreté, et fait des victimes d’un ordre violemment inégalitaire les coupables du désordre qu’il crée.

Soit la recherche de méthodes nouvelles et exigeantes de traitement des inégalités qui en plus d’affronter leurs raisons fondamentales se donnent comme objectif de traiter avec dignité et solidarité les plus démuni·es d’entre nous. Le modèle Riace, du nom de ce village de Calabre, est un exemple de ce qu’il est possible de faire. C’est pourquoi nous considérons que l’éthique de responsabilité doit être résolument inscrite dans une dialectique avec une éthique de conviction sociale et écologiste qui ainsi nous permettra d’affronter les défis sociaux et écologiques sans céder à l’ordre néolibéral et à sa violence. Ce constant mouvement qui questionne la relation entre la responsabilité et la conviction doit faciliter la création d’espaces de médiations favorisant le dialogue et la création de solutions viables. Ces espaces sont indispensables si nous voulons freiner le dépérissement démocratique que suscite, dans tous les champs de la politique, l’expansion de l’autorité des experts et spécialistes de tous ordres, qui invisibilisent progressivement la compétence et détruisent la souveraineté des citoyen·ne·s dans les prises de décisions. C’est en créant des espaces de pouvoir populaire avec les personnes concernées au plus près du terrain et des gens, autour de l’organisation de solutions alternatives dans la mise à l’abri des personnes sans logement ou dans l’accueil des femmes et des hommes migrant·es, que nous replacerons au centre des préoccupations la vie des êtres humains et ses conditions matérielles de reproduction.  Le recours à la force publique sonne comme l’aveu d’échec d’un pouvoir qui gère sans les transformer, les relations de domination entre les humains et des humains sur la nature qui sont au cœur de la reproduction du capitalisme.