Écologistes, nous dénonçons l’utilisation politique de la justice et appelons à un meeting unitaire en défense des libertés publiques

“La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux” (art. 11 de La déclaration des droits de l’homme et du citoyen, 1789)

Mathilde Panot, Rima Hassan, Sihame Assbague, Anasse Kazib, ces quatre personnalités politiques ont en commun d’être convoquées par la direction de la police judiciaire dans le cadre d’une enquête pour “apologie du terrorisme”.

La première est la présidente du principal groupe d’opposition de gauche à l’Assemblée Nationale. La deuxième est candidate aux élections européennes sur la liste menée par Manon Aubry et soutenue par La France Insoumise. La troisième est une journaliste et militante anticolonialiste et antiraciste bien connue. Le quatrième est porte-parole de Révolution Permanente, un parti situé à l’extrême gauche de l’échiquier politique. Tou·tes ont en commun de défendre les droits du peuple palestinien et de dénoncer la guerre coloniale génocidaire menée par le gouvernement d’extrême-droite israélien à Gaza en représailles des attaques terroristes du Hamas sur son sol le 7 octobre 2023.  

Ces convocations s’inscrivent dans un contexte plus large de silenciation et criminalisation des voix qui soutiennent la cause du peuple palestinien : les tentatives répétées du gouvernement d’empêcher les manifestations de soutien au peuple palestinien ou contre le racisme, les multiples entraves à la tenue de réunions publiques avec des personnalités connues pour leur opposition à la politique coloniale israélienne, l’annulation par l’Université de Lille de la conférence sur la Palestine que devaient tenir Jean-Luc Mélenchon et Rima Hassan et, finalement, son interdiction préfectorale, ou encore la condamnation à un an de prison avec sursis de Jean-Paul Delescaut, secrétaire général de la CGT du Nord pour « apologie du terrorisme ». 

Nous dénonçons l’amalgame honteux et dangereux entre défense de la cause palestinienne et antisémitisme de la part de médias propagandistes dont l’agenda politique l’emporte sur la déontologie journalistique et nous regrettons son instrumentalisation à des fins électoralistes par des personnalités politiques, y compris se réclamant de la gauche. La défense des droits, consacrés par la justice internationale, du peuple palestinien et notamment de son droit à l’autodétermination, ne saurait être confondue a priori avec de l’antisémitisme, un délit très grave dont chacun·e doit répondre devant la justice. 

En tant qu’écologistes, nous ne pouvons ignorer que ces attaques à la liberté d’expression de nos camarades s’inscrivent dans un contexte plus large de remise en cause des libertés publiques et d’attaques répétées du pouvoir exécutif contre ses opposant·es, notamment quand il s’agit de militant·es écologistes qui luttent contre l’accaparement du vivant et qu’il n’hésite pas à qualifier, contre toute vraisemblance, d’ « écoterroristes ». 

Face à ces attaques inacceptables à nos libertés fondamentales, nous apportons notre soutien à Mathilde Panot, Rima Hassan, Sihame Assbague, Anasse Kazib et, à toutes les voix de la paix, convoquées judiciairement : étudiant·es, responsables politiques et syndicaux… pour avoir soutenu les droits du peuple palestinien. Nous appelons à faire front et demandons aux responsables des partis et des syndicats l’organisation d’un meeting commun en défense des libertés publiques dans les plus brefs délais. Nous, Écologistes, nous engageons à apporter toute notre force face à un pouvoir médiatique et politique en pleine dérive illibérale qui cherche à réprimer toute opposition progressiste.

Pour accéder à la liste des signataires :

https://docs.google.com/spreadsheets/d/1KwprgDrOL9pJu6n6fdqQ4M66pl6DDcTiH2H0Hh7ebW4/edit?usp=sharing

Pour une Écologie politique libérée du patriarcat : il est temps pour Julien Bayou de partir. Anaïs, nous te croyons !

Le mardi 27 mars 2024, les membres du conseil fédéral de notre parti ont reçu un mail de la présidente de notre groupe à l’Assemblée nationale. Cyrielle Chatelain nous écrit que suite à la plainte et au témoignage d’Anaïs Leleux le groupe s’est réuni en assemblée générale et qu’il a échoué à réunir la majorité qualifiée (60% des suffrages) qui aurait permis la suspension pour quatre mois de Julien Bayou. Elle ne dit rien des débats mais concède une raison : « en l’état actuel des informations ».

Que sait-on exactement ? 

Le lundi 26 septembre 2022, Julien Bayou démissionnait du secrétariat national. Ce moment marquait non pas un geste de responsabilité, mais le début d’une défense où Julien Bayou s’est présenté comme victime d’une cabale, menée par des personnes qui ont perdu « tout discernement » et nient ses droits à se défendre.  À ce moment-là nous avons été plusieurs dans le parti à dire que les accusations étaient graves et que les arguments de la défense de Bayou étaient irrecevables parce qu’ils convoquaient les pires stéréotypes naturalistes sur les femmes, mobilisant à son profit la tolérance sociale au sexisme et aux comportements machistes, « cet inconscient misogyne incorporé » produit de la relation de pouvoir des hommes sur les femmes. Par conséquent, il nous apparaissait déjà inconcevable que Julien Bayou puisse continuer à incarner l’écologie politique féministe que nous défendons.

Celle-ci commence par l’affirmation d’un principe : « on te croit ». Ce n’est pas un slogan creux, sans fondement idéologique. C’est une arme politique qui renverse l’apriori en la faveur des femmes. Une arme de discrimination positive dans une société fondamentalement inégalitaire. Une arme de résistance et de destruction du patriarcat au fondement de l’organisation de nos sociétés capitalistes modernes. 

Aujourd’hui, Anaïs Leleux a porté plainte contre Julien Bayou. Les faits qu’il reprochait à ses accusatrices de ne pas lui avoir présentés, sont maintenant qualifiés pénalement : harcèlement moral et abus de faiblesse. Les accusations d’Anaïs Leleux sont étayées. Elle décrit une relation d’emprise avec ses manipulations et violences psychologiques insidieuses qui ont fini par la faire douter de sa raison. Elle raconte l’échec du parti à la protéger malgré les alertes sur le comportement de Julien Bayou vis à vis des femmes qui se sont confirmées depuis* et, ses propres appels à l’aide jusqu’à ses tentatives de suicide. Le parti s’est en effet montré incapable d’affirmer le seul principe qui vaille dans ces cas-là : « on te croit ». Notre cellule interne de lutte contre les violences sexuelles et sexiste (CVSS) s’est révélée impotente et depuis un an et demi, Julien Bayou a entamé une lente entreprise de normalisation au sein du parti et poursuit sans entrave son chemin politique tandis qu’Anaïs éprouvait la violence économique qui accompagne trop souvent de la part des hommes les situations de séparation.

Nous demandons l’exclusion de Julien Bayou. Ce n’est pas une question de présomption d’innocence, que nous laissons à la justice, mais un choix politique et moral. EELV se doit d’être un bastion de la lutte féministe, un espace où les femmes, leurs voix et leurs souffrances sont non seulement entendues mais aussi respectées et prises en considération : on te croit !

La justice dira le droit, nous disons la politique. Nous reconnaissons la gravité des accusations portées contre Julien Bayou. Nous connaissons l’impact dévastateur de ses logiques prédatrices de la vie des femmes. Depuis Maupassant et Bel-Ami, elles sont au cœur des stratégies d’accès au pouvoir dont les médias et les partis politiques sont les instruments par excellence. Notre écologie politique est féministe, du respect de la dignité des femmes à leur (au moins) égale représentativité au sein de notre mouvement. La décision du groupe des député·es écologistes à l’Assemblée Nationale souligne nos dissensus sur une question aussi fondamentale. Elle entache notre crédibilité dans le combat pour l’égalité et contre les violences faites aux femmes. Elle rétrocède par rapport à la puissance de l’engagement féministe de la société civile qui à travers les déferlantes « me too » ou « Yo te creo », pour ne citer qu’elles, a créé les conditions de la constitutionnalisation de la liberté des femmes d’avorter. Elle ignore le lien entre patriarcat, inégalité sociale et capitaloscène : l’aliénation du travail et des corps des femmes constituent les prémisses à l’accaparement du vivant tout entier.

L’épisode de la suspension ratée de Julien Bayou du groupe des écologistes à l’Assemblée Nationale ajoute à l’urgence de notre appel :  EELV doit corriger les erreurs commises dans la gestion de cette affaire et prendre des mesures immédiates pour réaffirmer son engagement féministe. L’exclusion de Julien Bayou n’est pas seulement une nécessité morale ; elle est devenue une exigence politique pour redonner du sens à notre action en faveur de l’égalité et du respect du vivant.

« Nous pouvons guider, instruire, observer, mettre en commun des informations et des techniques, mais nous ne pouvons pas faire à la place des garçons et des hommes le travail qu’ils doivent faire sur eux-mêmes. » (bell hooks, La volonté de changer, 2004). De toute évidence, Julien Bayou qui est accusé par Anaïs Leleux, sa compagne de 2017 à 2021, de maltraitances psychologiques et d’abus de faiblesse, n’a jamais entamé cette démarche critique. L’exclure fait partie du travail de formation et de conviction que notre parti politique doit savoir accomplir pour toutes les victimes du patriarcat : les femmes et les hommes. 

*Un compte instagram féministe cancelmaisbof fait état des différents éléments recensés ces dernières années. Depuis la prise de parole publique d’Anaïs Leleux, Sophie Tissier a fait état d’une agression qu’elle a subie de la part de Julien Bayou sur son compte Twitter.