A propos de l’éthique de conviction et de responsabilité. Écologistes, nous disons non aux expulsions !

Vendredi 3 mai 2024, 170 personnes sans-abri qui avaient trouvé refuge dans le gymnase Dargent (8e arrondissement de Lyon), dont une majorité de femmes et d’enfants, ont été expulsées par une soixantaine de policiers. Cela fait suite à la décision du maire Grégory Doucet (EELV) et de son adjointe aux solidarités Sandrine Runel (PS) de donner raison à des associations qui s’étaient plaintes de ces occupations. La mairie de Lyon a justifié sa décision dans un communiqué de presse publié le samedi 4 mai, qui indiquait qu’on ne peut pas « accepter que des bâtiments publics soient utilisés sans autorisation au détriment des usagers ».

Jeudi 16 mai, le squat « Casse-Dalle », dans le 3e arrondissement de Lyon, a également été expulsé par les forces de l’ordre. Le bâtiment, propriété de la Métropole de Lyon présidée par Bruno Bernard (EELV), abritait une cinquantaine de personnes. La Métropole a refusé de prévenir à l’avance du jour exact de l’expulsion du squat. La police aux frontières aurait interpellé sept personnes lors de cette expulsion. Une expulsion facilitée par la loi Kasbarian – pourtant dénoncée par notre parti et nos parlementaires – et justifiée par Benjamin Badouard, conseiller métropolitain et membre du bureau exécutif d’EELV, qui a rappelé que la Métropole de Lyon “avait indiqué depuis septembre aux habitants que le site serait évacué après la trêve hivernale pour permettre la construction de logements sociaux”.

Ces actes politiques répressifs, en plus d’être scandaleux et honteux, sont une faute politique pour une majorité qui se revendique de gauche et en particulier de l’écologie politique. Comment une telle majorité peut-elle user de méthodes répressives alors que nous devrions proposer des solutions humanitaires dignes ? Une majorité écologiste de gauche ne peut pas tolérer qu’une dizaine de bébés et plusieurs femmes enceintes ne se retrouvent à vivre dans la rue ; dans un environnement hostile, sous la pluie, le froid ou la chaleur suffocante, et des conditions d’hygiènes inacceptables et cela même si les bâtiments publics doivent accueillir des usagers. Nous, écologistes, dénonçons avec force cette décision qui va à l’encontre de notre conception de la manière de faire de la politique mais aussi de nos aspirations à une société solidaire.

Les crises de différentes natures, économique, sociale et écologique qui se succèdent et se superposent dans nos villes et nos pays ainsi que les défis de la vie politique ici, en France, placent les citoyen·nes face à des situations complexes et des dilemmes éthiques. Il s’agit alors de s’interroger sur notre responsabilité collective et individuelle et, par conséquent, de choisir entre deux types essentiels de prises de position ainsi que de construction de solutions :

Soit l’impuissance, c’est-à-dire la reproduction et l’approfondissement de solutions brutales qui traitent l’inégalité par la répression et la criminalisation de la pauvreté, et fait des victimes d’un ordre violemment inégalitaire les coupables du désordre qu’il crée.

Soit la recherche de méthodes nouvelles et exigeantes de traitement des inégalités qui en plus d’affronter leurs raisons fondamentales se donnent comme objectif de traiter avec dignité et solidarité les plus démuni·es d’entre nous. Le modèle Riace, du nom de ce village de Calabre, est un exemple de ce qu’il est possible de faire. C’est pourquoi nous considérons que l’éthique de responsabilité doit être résolument inscrite dans une dialectique avec une éthique de conviction sociale et écologiste qui ainsi nous permettra d’affronter les défis sociaux et écologiques sans céder à l’ordre néolibéral et à sa violence. Ce constant mouvement qui questionne la relation entre la responsabilité et la conviction doit faciliter la création d’espaces de médiations favorisant le dialogue et la création de solutions viables. Ces espaces sont indispensables si nous voulons freiner le dépérissement démocratique que suscite, dans tous les champs de la politique, l’expansion de l’autorité des experts et spécialistes de tous ordres, qui invisibilisent progressivement la compétence et détruisent la souveraineté des citoyen·ne·s dans les prises de décisions. C’est en créant des espaces de pouvoir populaire avec les personnes concernées au plus près du terrain et des gens, autour de l’organisation de solutions alternatives dans la mise à l’abri des personnes sans logement ou dans l’accueil des femmes et des hommes migrant·es, que nous replacerons au centre des préoccupations la vie des êtres humains et ses conditions matérielles de reproduction.  Le recours à la force publique sonne comme l’aveu d’échec d’un pouvoir qui gère sans les transformer, les relations de domination entre les humains et des humains sur la nature qui sont au cœur de la reproduction du capitalisme.

Manifeste du collectif « La Tempête – zone d’écologie sociale et populaire »

Manifeste du collectif « La Tempête – zone d’écologie sociale et populaire »

Préambule

Nous, le collectif « La Tempête – zone d’écologie sociale et populaire », portons la flamme d’un engagement déterminé pour une écologie sociale, éclairée par le matérialisme dialectique d’inspiration marxiste. Nous sommes uni·e·s dans la certitude que la justice environnementale et sociale ne font qu’une et que le combat contre toutes les formes de discrimination est vital pour reconstruire notre société.

L’écologie sociale est notre boussole, nous aspirons à un monde où l’environnement et les communautés humaines coexistent en symbiose, respectueux·euses de la vitalité et de la diversité de la vie sous toutes ses formes.

Le matérialisme dialectique* nous offre des outils critiques pour disséquer et transformer notre réalité sociale et économique, en exposant les contradictions du capitalisme et en nous orientant vers une libération collective des chaînes de l’exploitation, de la prédation et de l’oppression.

L’anticapitalisme infuse notre lutte, car nous rejetons un système qui valorise le profit au détriment de l’humain et de la planète. Nous œuvrons pour une humanité qui célèbre la solidarité, l’équité et la gestion collective des ressources.

L’antifascisme marque notre réponse ferme à la montée des idéologies haineuses et autoritaires, en défendant vigoureusement la démocratie et la dignité humaine contre les forces du totalitarisme.

Notre engagement antiraciste et décolonial est fondamental pour démanteler les héritages coloniaux et les structures qui perpétuent l’inégalité, en faveur d’une justice réellement inclusive qui honore la richesse de chaque culture et chaque histoire.

Le féminisme nous guide dans la destruction du patriarcat, pour un monde où l’égalité de genre imprègne toutes les sphères de la vie, reconnaissant et amplifiant le rôle essentiel des femmes et des personnes de tous genres dans notre quête de justice.

Nous défendons les droits et la dignité des personnes LGBTQIA+, luttant sans relâche contre les préjugés et les violences pour affirmer l’importance de toutes les identités de genre et orientations sexuelles.

La lutte contre le validisme souligne notre volonté de pleine intégration des personnes en situation de handicap, en combattant les discriminations et en œuvrant pour une société accessible et équitable pour tou·te·s.

L’éducation populaire est notre levier pour éveiller les consciences, diffusant les savoirs de manière ouverte et transformatrice, et stimulant chacun·e à devenir un vecteur de changement.

Le confédéralisme municipal offre un cadre concret pour la réalisation de nos idéaux de justice sociale, écologique, et de démocratie participative, ancrant durablement les principes d’autogestion, de coopération intercommunale, et de respect de la diversité dans la pratique quotidienne de la politique. 

Conscient·e·s de la nécessité d’une démocratie directe et de la décentralisation du pouvoir pour une véritable écologie sociale, nous nous inspirons des théories du confédéralisme municipal de Murray Bookchin. Celui-ci prône la création de municipalités libres et autogérées, où les citoyen·nes sont activement impliqué·es dans la prise de décisions à l’échelle locale. Ces municipalités, organisées en réseaux confédérés, coopèrent sur des bases égalitaires et mutualistes, formant un contre-pouvoir robuste au capitalisme étatique et aux institutions centralisées. 

Un municipalisme libertaire qui affirme la primauté des décisions locales sur l’autorité étatique, qu’il permet ainsi d’amenuir, de disperser. Car, fragmenter le pouvoir central, c’est permettre le retour de la politique au village. C’est rendre la décision concrète, palpable, et donc aller contre le processus de dépolitisation inhérent à l’idéologie néolibérale. Idéologie sur laquelle prospère l’extrême droite et dont se servent les capitalistes pour entretenir leur domination.

En adoptant le confédéralisme municipal, nous visons à renforcer les communautés de la base au sommet, en les dotant de l’autonomie nécessaire pour gérer leurs affaires locales tout en restant connectées à une vision globale de l’écologie sociale. Ce modèle favorise une répartition équitable des ressources, un engagement citoyen renforcé, et une réelle capacité à mettre en œuvre des politiques écologiques efficaces et respectueuses des spécificités de chaque communauté et bassin de vie.

Par ce moyen, nous entendons combattre la bureaucratisation et la centralisation du pouvoir qui aliènent les individus, leur environnement et leur communauté aux intérêt d’une aristocratie d’Etat, en l’occurrence capitaliste.

Appel à l’action

Nous appelons tou·te·s les écologistes qui se retrouvent dans les valeurs de l’écologie sociale à s’investir activement dans le débat politique, que ce soit au sein des collectifs, des associations, ou des partis politiques. Ce courant de l’écologie est résolument ancré à gauche, et ne peut tolérer les contradictions ou les antagonismes présentés par les courants d’une certaine écologie prétendument au-delà des clivages gauche-droite, tels que le capitalisme vert ou l’écofascisme que nous combattons.

Nous sommes engagé·e·s à unifier ce qui est fragmenté, à rassembler les forces éparses pour préparer une candidature commune de la gauche pour l’élection présidentielle à venir. Nous croyons fermement que seule une candidature qui rompt avec les modèles dominants peut assurer une victoire à cette élection. La gauche écologiste de rupture est la seule force capable de contrer l’extrême-droite, qui impose aujourd’hui son agenda dans le débat politique et une victoire à l’élection présidentielle est une nécessité stratégique. Raison pour laquelle nous soutiendrons la candidature qui sera le plus à même de nous offrir une perspective de victoire. 

Notre militantisme ne saurait toutefois se borner aux grandes échéances électorales. Nous refusons de n’être qu’un parti d’élu·es, et affirmons la nécessité de faire front large avec toutes les composantes du mouvement social et écologiste. Cela passe par le respect d’une ligne politique claire, qui ne se compromet pas avec les libéraux et tisse des liens avec tous ceux, toutes celles qui luttent. Notre alliance avec les Soulèvements de la terre l’a montré : nous pouvons faire se coordonner politique institutionnelle et activisme de terrain pour gagner des batailles. Elargissons cette dynamique.

Nous nous engageons à mener une bataille culturelle, comme l’a théorisé Antonio Gramsci, pour façonner les consciences et ancrer notre vision dans le tissu social. C’est par cette transformation profonde de la culture que nous pourrons construire une société fondée sur les principes de justice, d’écologie et de solidarité.

Rejoignez La Tempête – Zone d’Écologie sociale et populaire 

*matérialisme dialectique : partir de l’examen des conditions matérielles d’existence des gens et de ce qu’elles nous disent des rapports de production et de domination pour penser les transformations à mettre en œuvre.

Écologistes, nous dénonçons l’utilisation politique de la justice et appelons à un meeting unitaire en défense des libertés publiques

“La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux” (art. 11 de La déclaration des droits de l’homme et du citoyen, 1789)

Mathilde Panot, Rima Hassan, Sihame Assbague, Anasse Kazib, ces quatre personnalités politiques ont en commun d’être convoquées par la direction de la police judiciaire dans le cadre d’une enquête pour “apologie du terrorisme”.

La première est la présidente du principal groupe d’opposition de gauche à l’Assemblée Nationale. La deuxième est candidate aux élections européennes sur la liste menée par Manon Aubry et soutenue par La France Insoumise. La troisième est une journaliste et militante anticolonialiste et antiraciste bien connue. Le quatrième est porte-parole de Révolution Permanente, un parti situé à l’extrême gauche de l’échiquier politique. Tou·tes ont en commun de défendre les droits du peuple palestinien et de dénoncer la guerre coloniale génocidaire menée par le gouvernement d’extrême-droite israélien à Gaza en représailles des attaques terroristes du Hamas sur son sol le 7 octobre 2023.  

Ces convocations s’inscrivent dans un contexte plus large de silenciation et criminalisation des voix qui soutiennent la cause du peuple palestinien : les tentatives répétées du gouvernement d’empêcher les manifestations de soutien au peuple palestinien ou contre le racisme, les multiples entraves à la tenue de réunions publiques avec des personnalités connues pour leur opposition à la politique coloniale israélienne, l’annulation par l’Université de Lille de la conférence sur la Palestine que devaient tenir Jean-Luc Mélenchon et Rima Hassan et, finalement, son interdiction préfectorale, ou encore la condamnation à un an de prison avec sursis de Jean-Paul Delescaut, secrétaire général de la CGT du Nord pour « apologie du terrorisme ». 

Nous dénonçons l’amalgame honteux et dangereux entre défense de la cause palestinienne et antisémitisme de la part de médias propagandistes dont l’agenda politique l’emporte sur la déontologie journalistique et nous regrettons son instrumentalisation à des fins électoralistes par des personnalités politiques, y compris se réclamant de la gauche. La défense des droits, consacrés par la justice internationale, du peuple palestinien et notamment de son droit à l’autodétermination, ne saurait être confondue a priori avec de l’antisémitisme, un délit très grave dont chacun·e doit répondre devant la justice. 

En tant qu’écologistes, nous ne pouvons ignorer que ces attaques à la liberté d’expression de nos camarades s’inscrivent dans un contexte plus large de remise en cause des libertés publiques et d’attaques répétées du pouvoir exécutif contre ses opposant·es, notamment quand il s’agit de militant·es écologistes qui luttent contre l’accaparement du vivant et qu’il n’hésite pas à qualifier, contre toute vraisemblance, d’ « écoterroristes ». 

Face à ces attaques inacceptables à nos libertés fondamentales, nous apportons notre soutien à Mathilde Panot, Rima Hassan, Sihame Assbague, Anasse Kazib et, à toutes les voix de la paix, convoquées judiciairement : étudiant·es, responsables politiques et syndicaux… pour avoir soutenu les droits du peuple palestinien. Nous appelons à faire front et demandons aux responsables des partis et des syndicats l’organisation d’un meeting commun en défense des libertés publiques dans les plus brefs délais. Nous, Écologistes, nous engageons à apporter toute notre force face à un pouvoir médiatique et politique en pleine dérive illibérale qui cherche à réprimer toute opposition progressiste.

Pour accéder à la liste des signataires :

https://docs.google.com/spreadsheets/d/1KwprgDrOL9pJu6n6fdqQ4M66pl6DDcTiH2H0Hh7ebW4/edit?usp=sharing